Toyen
Tu t'évapores dans un buisson de cris
Found at
Christies,
New York
Avant-Garde(s) Including Thinking Italian, Lot 333
20. Oct - 20. Oct 2023
Avant-Garde(s) Including Thinking Italian, Lot 333
20. Oct - 20. Oct 2023
Estimate: 700.000 - 1.000.000 EUR
Price realised: 2.823.000 EUR
Price realised: 2.823.000 EUR
Description
« Toyen, de qui je ne puis jamais évoquer sans émotion le visage médaillé de noblesse. »
André Breton
Étrange vision onirique peinte par Toyen en 1956, Tu t'évapores dans un buisson de cris déploie une cascade de couleurs somptueuses semblable à une aurore boréale. Sur un fond d'un vert émeraude éclatant, des volutes blanches déferlent tels des nuages de fumée, ondoyant comme une nuée d'oiseaux, ou comme les drapés envoûtants des danses de Loïe Fuller. Au cœur de ce territoire fantastique trône fièrement une sorte d'arbre bleu squelettique, non loin de créatures rouges qui semblent se percher sur les coulures de peinture. Pour Toyen, l'inconscient offrait une source d'inspiration intarissable, comme si « elle voyait, écrit Lucy Ives, toute l'intériorité que pouvait renfermer un tableau qui se présente sous forme de surface inachevable, de faille ou de fissure dans la représentation elle-même » (L. Ives, ‘Mythic Being’, in Artforum, février 2022).
On ne sait que peu de choses sur la vie de Toyen, tant sa réserve était grande. Discrète au point de refuser, à terme, toute prise de parole en public, Marie Čermínová est née à Prague en 1902. Elle quitte le foyer familial dès l'âge de seize ans par soif de liberté et pour échapper, par la même occasion, aux attentes d'une société encore trop cloisonnée dans le stéréotype de genre. Elle prend bientôt, au mépris des normes patriarcales, un pseudonyme androgyne : « Toyen », dont l'origine fait débat, mais qui proviendrait sans doute à la fois du français « citoyen » et du tchèque « to je on », qui signifie « c'est lui ». Dans le même esprit, l'artiste porte volontiers des vêtements d'homme et s'accorde au masculin lorsqu'elle parle en tchèque à la première personne. Pour Toyen comme pour sa congénère Claude Cahun, l'aventure du « surréalisme est indissociable d'un affront à l'identité sexuelle traditionnelle, affront qui s'exprime pleinement dans leur expérience vécue – notamment leurs pseudonymes – et se reflète dans leur art » (S. D’Alessandro et M. Gale, ‘The World in the Time of the Surrealists’, in Surrealism Beyond Borders, cat. exp., The Metropolitan Museum of Art, New York, 2021, p. 16). Cette fluidité à toute épreuve irrigue l'ensemble de l'œuvre de Toyen, jusque dans les formes comme liquéfiées de Tu t'évapores dans un buisson de cris.
Formée à l'École des Arts appliqués de Prague, Toyen se lance à ses débuts dans l'art abstrait. Elle rejoint très tôt le cercle d'avant-garde praguois Devětsil avant de s'expatrier à Paris, où elle passe plusieurs années. À son retour en Tchécoslovaquie en 1928, elle côtoie ses compatriotes surréalistes, lesquels entretiennent d'étroits liens avec leurs homologues français. Ce n'est qu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, peu de temps avant la prise de pouvoir du parti communiste pro-soviétique, que Toyen se réinstalle à Paris. Elle se lie alors d'amitié avec Salvador Dalí, Max Ernst et André Breton, grâce auquel elle intègre le mouvement surréaliste parisien et participe aux expositions du groupe en France et à l'internationale. Fervent admirateur de l'art et de la personne de Toyen, Breton entrevoit dans sa peinture une portée « transcendantale », quelque chose d'ineffable (A. Breton, Surrealism and Painting, trans. by S. Taylor, London, 1972, p. 214).
Durant la période d'après-guerre, scènes nocturnes et formes sensuelles dominent de plus en plus l'expression plastique de Toyen. Loin des globes oculaires roulants et autres parties du corps désincarnées qui avaient habité ses travaux antérieurs, les toiles de l'artiste prennent une dimension mystique, sans doute inspirée de la fascination de Breton pour les sciences occultes. Sa production n'en perd pas pour autant de sa puissante charge érotique ni de sa radicalité politique : dans la peinture de Toyen, le thème omniprésent de la sexualité, si cher aux surréalistes, reste invariablement lié à des questions d'identité de genre. Synonyme de liberté, le langage du rêve et de l'étrangeté sera toujours pour elle un outil puissant pour interroger les structures du pouvoir. Ou comment se faire entendre « dans un buisson de cris ».
‘Toyen, who catches my heart every time I think of her’
André Breton
Painted in 1956, Toyen’s Tu t'évapores dans un buisson de cris is an enigmatic dreamscape, a cascade of sumptuous colour. Against a dazzling green ground – the aurora borealis in paint – white plumes curl like smoke. Evanescent and sinuous, it calls to mind Loie Fuller’s intoxicating dance, a flock of birds; this is a fantastical land where red creatures perch and a blue, skeletal tree stands proudly. For Toyen, the subconscious proffered an entire realm of inspiration as if, writes Lucy Ives, ‘she saw the possibility of interiority in a painting that manifested as an impossible-to-complete zone, a rip or fissure in representation itself’ (L. Ives, ‘Mythic Being’, in Artforum, February 2022).
Little is known of Toyen’s life, owing to her propensity for secrecy and her later refusal to speak in public. Born Marie Čermínová in Prague in 1902, she left home at the age of sixteen. This was as much a reach for freedom as it was a rejection of traditional gender expectations. Shortly thereafter, she adopted the name Toyen. Though no explanation was ever provided, scholars posit that the names continues her efforts to challenge patriarchal norms in its encouragement of a non-gendered reading: it plays on both the French citoyen (citizen) and the Czech phrase ‘to je on’, meaning ‘it is he’. In that vein, Toyen frequently dressed in men’s clothing and would use first-person masculine constructions when speaking in Czech. For the artist, like her contemporary Claude Calhoun, ‘Surrealism was bound up with a defiance of conventional gender identities in both their lived experience – most evident in their pseudonyms – and its reflection in their art’ (S. D’Alessandro and M. Gale, ‘The World in the Time of the Surrealists’, in Surrealism Beyond Borders, exh. cat., The Metropolitan Museum of Art, New York, 2021, p. 16). Indeed, such fluidity is suggested in Toyen’s output broadly, and in the liquid forms seen in Tu t'évapores dans un buisson de cris more specifically.
André Breton
Étrange vision onirique peinte par Toyen en 1956, Tu t'évapores dans un buisson de cris déploie une cascade de couleurs somptueuses semblable à une aurore boréale. Sur un fond d'un vert émeraude éclatant, des volutes blanches déferlent tels des nuages de fumée, ondoyant comme une nuée d'oiseaux, ou comme les drapés envoûtants des danses de Loïe Fuller. Au cœur de ce territoire fantastique trône fièrement une sorte d'arbre bleu squelettique, non loin de créatures rouges qui semblent se percher sur les coulures de peinture. Pour Toyen, l'inconscient offrait une source d'inspiration intarissable, comme si « elle voyait, écrit Lucy Ives, toute l'intériorité que pouvait renfermer un tableau qui se présente sous forme de surface inachevable, de faille ou de fissure dans la représentation elle-même » (L. Ives, ‘Mythic Being’, in Artforum, février 2022).
On ne sait que peu de choses sur la vie de Toyen, tant sa réserve était grande. Discrète au point de refuser, à terme, toute prise de parole en public, Marie Čermínová est née à Prague en 1902. Elle quitte le foyer familial dès l'âge de seize ans par soif de liberté et pour échapper, par la même occasion, aux attentes d'une société encore trop cloisonnée dans le stéréotype de genre. Elle prend bientôt, au mépris des normes patriarcales, un pseudonyme androgyne : « Toyen », dont l'origine fait débat, mais qui proviendrait sans doute à la fois du français « citoyen » et du tchèque « to je on », qui signifie « c'est lui ». Dans le même esprit, l'artiste porte volontiers des vêtements d'homme et s'accorde au masculin lorsqu'elle parle en tchèque à la première personne. Pour Toyen comme pour sa congénère Claude Cahun, l'aventure du « surréalisme est indissociable d'un affront à l'identité sexuelle traditionnelle, affront qui s'exprime pleinement dans leur expérience vécue – notamment leurs pseudonymes – et se reflète dans leur art » (S. D’Alessandro et M. Gale, ‘The World in the Time of the Surrealists’, in Surrealism Beyond Borders, cat. exp., The Metropolitan Museum of Art, New York, 2021, p. 16). Cette fluidité à toute épreuve irrigue l'ensemble de l'œuvre de Toyen, jusque dans les formes comme liquéfiées de Tu t'évapores dans un buisson de cris.
Formée à l'École des Arts appliqués de Prague, Toyen se lance à ses débuts dans l'art abstrait. Elle rejoint très tôt le cercle d'avant-garde praguois Devětsil avant de s'expatrier à Paris, où elle passe plusieurs années. À son retour en Tchécoslovaquie en 1928, elle côtoie ses compatriotes surréalistes, lesquels entretiennent d'étroits liens avec leurs homologues français. Ce n'est qu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, peu de temps avant la prise de pouvoir du parti communiste pro-soviétique, que Toyen se réinstalle à Paris. Elle se lie alors d'amitié avec Salvador Dalí, Max Ernst et André Breton, grâce auquel elle intègre le mouvement surréaliste parisien et participe aux expositions du groupe en France et à l'internationale. Fervent admirateur de l'art et de la personne de Toyen, Breton entrevoit dans sa peinture une portée « transcendantale », quelque chose d'ineffable (A. Breton, Surrealism and Painting, trans. by S. Taylor, London, 1972, p. 214).
Durant la période d'après-guerre, scènes nocturnes et formes sensuelles dominent de plus en plus l'expression plastique de Toyen. Loin des globes oculaires roulants et autres parties du corps désincarnées qui avaient habité ses travaux antérieurs, les toiles de l'artiste prennent une dimension mystique, sans doute inspirée de la fascination de Breton pour les sciences occultes. Sa production n'en perd pas pour autant de sa puissante charge érotique ni de sa radicalité politique : dans la peinture de Toyen, le thème omniprésent de la sexualité, si cher aux surréalistes, reste invariablement lié à des questions d'identité de genre. Synonyme de liberté, le langage du rêve et de l'étrangeté sera toujours pour elle un outil puissant pour interroger les structures du pouvoir. Ou comment se faire entendre « dans un buisson de cris ».
‘Toyen, who catches my heart every time I think of her’
André Breton
Painted in 1956, Toyen’s Tu t'évapores dans un buisson de cris is an enigmatic dreamscape, a cascade of sumptuous colour. Against a dazzling green ground – the aurora borealis in paint – white plumes curl like smoke. Evanescent and sinuous, it calls to mind Loie Fuller’s intoxicating dance, a flock of birds; this is a fantastical land where red creatures perch and a blue, skeletal tree stands proudly. For Toyen, the subconscious proffered an entire realm of inspiration as if, writes Lucy Ives, ‘she saw the possibility of interiority in a painting that manifested as an impossible-to-complete zone, a rip or fissure in representation itself’ (L. Ives, ‘Mythic Being’, in Artforum, February 2022).
Little is known of Toyen’s life, owing to her propensity for secrecy and her later refusal to speak in public. Born Marie Čermínová in Prague in 1902, she left home at the age of sixteen. This was as much a reach for freedom as it was a rejection of traditional gender expectations. Shortly thereafter, she adopted the name Toyen. Though no explanation was ever provided, scholars posit that the names continues her efforts to challenge patriarchal norms in its encouragement of a non-gendered reading: it plays on both the French citoyen (citizen) and the Czech phrase ‘to je on’, meaning ‘it is he’. In that vein, Toyen frequently dressed in men’s clothing and would use first-person masculine constructions when speaking in Czech. For the artist, like her contemporary Claude Calhoun, ‘Surrealism was bound up with a defiance of conventional gender identities in both their lived experience – most evident in their pseudonyms – and its reflection in their art’ (S. D’Alessandro and M. Gale, ‘The World in the Time of the Surrealists’, in Surrealism Beyond Borders, exh. cat., The Metropolitan Museum of Art, New York, 2021, p. 16). Indeed, such fluidity is suggested in Toyen’s output broadly, and in the liquid forms seen in Tu t'évapores dans un buisson de cris more specifically.
A top price for Toyen
This artwork by Toyen achieved an unexpectedly high price at Christies in New York in October this year. In the Avant-Garde(s) Including Thinking Italian auction, the work Tu t'évapores dans un buisson de cris sold for EUR 2,823,000.00 - well above the upper estimate of EUR 1,000,000.00. This high result makes Tu t'évapores dans un buisson de cris the most expensive artwork by Toyen that we have observed at auctions so far.
Ein Spitzenpreis für Toyen
Dieses Kunstwerk von Toyen erzielte im Oktober diesen Jahres bei Christies in New York einen unerwartet hohen Preis. In der Auktion Avant-Garde(s) Including Thinking Italian wurde die Arbeit Tu t'évapores dans un buisson de cris für EUR 2.823.000,00 versteigert – und damit weit über dem oberen Schätzpreis von EUR 1.000.000,00. Dieses hohe Ergebnis macht Tu t'évapores dans un buisson de cris zu dem teuersten Kunstwerk von Toyen, das wir bisher bei Auktionen beobachtet haben.