Hendrick Pot
Danaé
Estimate: 200.000 - 300.000 EUR
Price realised: not sold
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Description
Toile
Monogrammée 'HP' en bas à gauche
Danaë, canvas, signed, by H. Pot
h: 102,50 w: 139 cm
Commentaire : L'histoire de Danaé, très en vogue dans les milieux humanistes depuis la Renaissance, est tirée des 'Métamorphoses' d'Ovide : l'oracle ayant prédit à Acrisius, roi d'Argos, qu'il serait tué par l'un de ses petits-fils, celui-ci condamne sa fille à la réclusion. Pour la rejoindre, Jupiter, qui en est amoureux, lui apparait en une fine pluie d'or et de leur union naît Persée qui réalisera la prophétie tuant involontairement son grand-père lors d'une épreuve de javelot. La présence d'une servante est mentionnée pour la première fois dans le récit du poète grec Apollonius de Rhodes (IIIe siècle avant J.-C.) qui précise qu'Acrisius enferme sa fille en compagnie d'une servante dans une chambre d'airain souterraine.
Si les peintures mythologiques et les nus féminins ne sont pas exceptionnels dans la peinture hollandaise du Siècle d'or - Poelenburgh, Rembrandt et César van Everdingen, par exemple, s'étant illustrés dans ces deux domaines - rares sont ceux qui sont aussi provoquants que celui de notre toile. Hendrick Gerritsz Pot nous rend voyeurs du sommeil de la jeune femme qui occupe toute la partie inférieure de sa composition partagée par une diagonale. Son beau corps serein, rendu plus humain encore par ses joues rougies, immobile, est pris par le mouvement d'un tourbillon baroque. Dans une demi-pénombre, le rideau, les drapés du lit, la pluie de médailles antiques gravite autour d'elle. Pot manie des oppositions fortes, entre la belle endormie idéalisée et des détails hyperréalistes (les perles, le rendu du métal de la nature morte)1, entre sa jeunesse et la vieille femme empâtée et ridée2, entre sa simplicité et l'opulente nature morte d'argenterie, ou la peau aux couleurs
Les artistes qui traitent ce thème au XVIIe siècle ont en tête, et dans leur portefeuille de gravures, l'exemple de la Danaé envoyée par Titien à Philippe II d'Espagne en 1554 (fig.1, Madrid, musée du Prado). Pot devait connaitre les Danaé d'Hendrik Goltzius (Los Angeles County Museum) ou d'Abraham Bloemaert (fig. 2, Jacob Matham d'après Bloemaert). Rembrandt peint la sienne en 1636 (fig.3, Saint-Pétersbourg, musée de l'Ermitage), Emmanuel de Witte en 1641 (collection particulière), Jacob van Loo en réalise plusieurs versions au milieu du siècle3. Dans les années 1640/1650, tout particulièrement à Haarlem et Amsterdam, il existait une véritable compétition entre collectionneurs pour posséder la plus belle femme nue grandeur nature, aux proportions idéalisées et au dessin juste. Pensons à la 'Bethsabée au bain tenant la lettre de David' de Rembrandt (1654, Paris, musée du Louvre) ou à la 'Sémélé et Jupiter' (aussi titrée 'Egine et Jupiter') de Ferdinand Bol
A la différence de la plupart des exemples cités, Pot représente la princesse de dos, laissant Jupiter la contempler de face, et conserve le motif de la servante au second plan. Les Vénus de la Renaissance sont montrées pour la plupart de face, et quand il s'agit de représenter des postérieurs féminins, les artistes se réfèrent à une sculpture antique, l'Hermaphrodite endormi' ou la 'Léda' de Michel-Ange, aujourd'hui perdue qui est en partie de profil4. La majorité d'entre elles ont les hanches et les fesses drapées, comme la Vénus de Giovanni Cariani (vers 1510, Berlin, Gemäldegalerie), même si Titien se permet de la dénuder dans sa 'Vénus et Adonis'. C'est après 1600 que plusieurs tableaux célèbres les montrent de dos plus librement, et de façon impudique, des suiveurs de Caravage à la Vénus Robecky de Vélasquez (vers 1647-1651, Londres, National Gallery), ou au 'Viol de Lucrèce' de Luca Giordano (Naples, musée de Capodimonte,)5. Notre peintre connaissait
Notre toile peut même paraître inhabituelle sous le pinceau d'Hendrick Pot, surtout connu comme un excellent portraitiste de petits formats d'un style proche de celui de Dirk Hals, mais il s'est à plusieurs reprises échappé de son domaine. Il a peint quelques grands formats après son séjour à Londres en 1631/32, par exemple 'La joyeuse compagnie' conservée au musée de Rotterdam (104 x 148,5 cm, daté 1633) ou 'La toilette d'Esther' conservée au musée Frans Hals de Haarlem (124 x 120 cm, situé vers 1650).
Nous proposons que notre peinture ait été destinée à une maison close (un sous-genre de la peinture hollandaise bien étudié) ; certaines avaient alors des décors très raffinés. La 'Danaé' semble avoir été conçue pour être accrochée en hauteur, peut-être sur un manteau de cheminée, placé au-dessus d'un feu, ce qui soulignerait son caractère érotique (nous pensons à un emplacement comme on voit dans les intérieurs de tels établissements, avec " Vénus et l'amour " par Pieter de Hooch, fig. 4, collection particulière)6. On peut découvrir des sujets mythologiques amoureux au second plan des scènes de courtisanes de Vermeer, et la présence de pièces de monnaie bien en vue valide aussi cette interprétation. Hendrick Pot a peint plusieurs " joyeuses compagnies " et intérieurs de bordels, l'un d'eux lui ayant peut-être demandé ce sujet. Il a parfois enrichi ses compositions de telles pièces d'orfèvrerie, par exemple dans le 'Portrait de femme' du musée de Bon
Monogrammée 'HP' en bas à gauche
Danaë, canvas, signed, by H. Pot
h: 102,50 w: 139 cm
Commentaire : L'histoire de Danaé, très en vogue dans les milieux humanistes depuis la Renaissance, est tirée des 'Métamorphoses' d'Ovide : l'oracle ayant prédit à Acrisius, roi d'Argos, qu'il serait tué par l'un de ses petits-fils, celui-ci condamne sa fille à la réclusion. Pour la rejoindre, Jupiter, qui en est amoureux, lui apparait en une fine pluie d'or et de leur union naît Persée qui réalisera la prophétie tuant involontairement son grand-père lors d'une épreuve de javelot. La présence d'une servante est mentionnée pour la première fois dans le récit du poète grec Apollonius de Rhodes (IIIe siècle avant J.-C.) qui précise qu'Acrisius enferme sa fille en compagnie d'une servante dans une chambre d'airain souterraine.
Si les peintures mythologiques et les nus féminins ne sont pas exceptionnels dans la peinture hollandaise du Siècle d'or - Poelenburgh, Rembrandt et César van Everdingen, par exemple, s'étant illustrés dans ces deux domaines - rares sont ceux qui sont aussi provoquants que celui de notre toile. Hendrick Gerritsz Pot nous rend voyeurs du sommeil de la jeune femme qui occupe toute la partie inférieure de sa composition partagée par une diagonale. Son beau corps serein, rendu plus humain encore par ses joues rougies, immobile, est pris par le mouvement d'un tourbillon baroque. Dans une demi-pénombre, le rideau, les drapés du lit, la pluie de médailles antiques gravite autour d'elle. Pot manie des oppositions fortes, entre la belle endormie idéalisée et des détails hyperréalistes (les perles, le rendu du métal de la nature morte)1, entre sa jeunesse et la vieille femme empâtée et ridée2, entre sa simplicité et l'opulente nature morte d'argenterie, ou la peau aux couleurs
Les artistes qui traitent ce thème au XVIIe siècle ont en tête, et dans leur portefeuille de gravures, l'exemple de la Danaé envoyée par Titien à Philippe II d'Espagne en 1554 (fig.1, Madrid, musée du Prado). Pot devait connaitre les Danaé d'Hendrik Goltzius (Los Angeles County Museum) ou d'Abraham Bloemaert (fig. 2, Jacob Matham d'après Bloemaert). Rembrandt peint la sienne en 1636 (fig.3, Saint-Pétersbourg, musée de l'Ermitage), Emmanuel de Witte en 1641 (collection particulière), Jacob van Loo en réalise plusieurs versions au milieu du siècle3. Dans les années 1640/1650, tout particulièrement à Haarlem et Amsterdam, il existait une véritable compétition entre collectionneurs pour posséder la plus belle femme nue grandeur nature, aux proportions idéalisées et au dessin juste. Pensons à la 'Bethsabée au bain tenant la lettre de David' de Rembrandt (1654, Paris, musée du Louvre) ou à la 'Sémélé et Jupiter' (aussi titrée 'Egine et Jupiter') de Ferdinand Bol
A la différence de la plupart des exemples cités, Pot représente la princesse de dos, laissant Jupiter la contempler de face, et conserve le motif de la servante au second plan. Les Vénus de la Renaissance sont montrées pour la plupart de face, et quand il s'agit de représenter des postérieurs féminins, les artistes se réfèrent à une sculpture antique, l'Hermaphrodite endormi' ou la 'Léda' de Michel-Ange, aujourd'hui perdue qui est en partie de profil4. La majorité d'entre elles ont les hanches et les fesses drapées, comme la Vénus de Giovanni Cariani (vers 1510, Berlin, Gemäldegalerie), même si Titien se permet de la dénuder dans sa 'Vénus et Adonis'. C'est après 1600 que plusieurs tableaux célèbres les montrent de dos plus librement, et de façon impudique, des suiveurs de Caravage à la Vénus Robecky de Vélasquez (vers 1647-1651, Londres, National Gallery), ou au 'Viol de Lucrèce' de Luca Giordano (Naples, musée de Capodimonte,)5. Notre peintre connaissait
Notre toile peut même paraître inhabituelle sous le pinceau d'Hendrick Pot, surtout connu comme un excellent portraitiste de petits formats d'un style proche de celui de Dirk Hals, mais il s'est à plusieurs reprises échappé de son domaine. Il a peint quelques grands formats après son séjour à Londres en 1631/32, par exemple 'La joyeuse compagnie' conservée au musée de Rotterdam (104 x 148,5 cm, daté 1633) ou 'La toilette d'Esther' conservée au musée Frans Hals de Haarlem (124 x 120 cm, situé vers 1650).
Nous proposons que notre peinture ait été destinée à une maison close (un sous-genre de la peinture hollandaise bien étudié) ; certaines avaient alors des décors très raffinés. La 'Danaé' semble avoir été conçue pour être accrochée en hauteur, peut-être sur un manteau de cheminée, placé au-dessus d'un feu, ce qui soulignerait son caractère érotique (nous pensons à un emplacement comme on voit dans les intérieurs de tels établissements, avec " Vénus et l'amour " par Pieter de Hooch, fig. 4, collection particulière)6. On peut découvrir des sujets mythologiques amoureux au second plan des scènes de courtisanes de Vermeer, et la présence de pièces de monnaie bien en vue valide aussi cette interprétation. Hendrick Pot a peint plusieurs " joyeuses compagnies " et intérieurs de bordels, l'un d'eux lui ayant peut-être demandé ce sujet. Il a parfois enrichi ses compositions de telles pièces d'orfèvrerie, par exemple dans le 'Portrait de femme' du musée de Bon